Illusion

Ce que le Bouddhisme a en commun avec le matérialisme, c’est le concept d’illusion, mais encore faut-il s’entendre. Sans doute que le monde est bien une illusion, comme le conçoit le Bouddhisme, mais le matérialisme explique qu’il ne peut pas en fait s’agir d’autre chose, puisque les formes que nous voyons autour de nous sont comme l’illusion de la réalité qu’elles représentent (dans l’univers atomique et sub-atomique qui les compose). L’illusion, c’est que le moment du mouvement général de la matière que représentent ces formes serait la seul réalité. Le Bouddhisme a donc raison de décrire toute réalité comme illusoire mais n’en a aucune connaissance scientifique vraie, mais seulement l’intuition de celle-ci.

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Meurtre

« Si vous me demandés pourquoi l’Impudicité est un vice incomparablement plus ordinaire que le Meurtre ; je répondrai que ce n’est pas parce que l’on sait bien que le meurtre est un crime plus atroce ; mais parce qu’il y a incomparablement plus de gens dominés par les plaisirs de l’impudicité que par le plaisir de tuer. J’avouë que la peine temporelle établie contre les meurtriers contribue beaucoup à la différence dont nous parlons. Mais on m’avouera aussi après avoir bien éxaminé la chose, que la raison que j’en donne y contribue encore davantage. » (Jean-Pierre de Crousaz. _Examen du pyrrhonisme ancien et moderne_. Fayard : 2004, 1744).

Commentaire de Pierre Bayle cité par de Crousaz,  qu’un libertin sadien n’aurait sans doute pas désapprouvé.

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Morale

L’immunité du héros sadien est absolue. Aucun être humain n’a ce privilège, aucun dictateur, aucun tyran… Ce héros n’a à tenir compte du jugement de personne, mais seulement du sien (dans la mesure où il pourrait être affecté par le remords, par exemple). Il est au-dessus des lois et de la vengeance des hommes comme de toute crainte possible ou imaginable ; rien ne peut l’atteindre. Le tyran le plus absolu ne peut jamais être  totalement serein. Il vit toujours dans la crainte d’une vengeance possible, d’un assassinat, etc., ou encore, au moins du jugement des autres ou de sa propre conscience (Hitler, Staline, Néron, Caligula, etc… étaient de ceux-là). C’est cette liberté absolue qui nous permet enfin de comprendre nos limitations, c’est en nous montrant qu’aucun d’entre nous ne peut, ni ne pourra jamais jouir d’une liberté égale à la leur que cette immunité est de fait une leçon de morale, d’autant plus forte que ces héros se complaisent dans le crime. S’ils étaient juste à peine un peu moins cruels, un peu moins féroces ou inhumains, ils auraient encore quelque chose à voir avec nous, mais en sevrant tout lien avec notre commune humanité, ils deviennent des modèles et une leçon de morale, puisque personne ne peut se permettre ce qu’ils se permettent, sans songer aux conséquences de leurs actes. Ceux qui s’effraient à la lecture de Sade, le font parce qu’ils s’effraient de découvrir en eux ces mêmes monstres dont ils lisent les exploits; c’est pourquoi la lecture en est morale, mais ne le serait pas si le héros sadien agissait par passion (motif de la littérature ordinaire), et non par principe. S’il tue, ainsi, c’est pour donner de la vie. Son immunité devenue notre nous aide à comprendre que nous sommes tous les criminels potentiels que nous ne sommes pas.

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Bouche

Ce que nous appelons « manger » consiste à introduire dans une aperture du corps différents objets pour les y détruite. Ainsi donc, c’est de la matière (l’homme, le serpent, ou l’escargot, etc..), qui avale et détruit ainsi de la matière. La matière détruit de la matière sous mille formes dans la nature. La bouche en est une, chez l’homme. La culture ennoblit la bouche, comme tout ce qui touche à ses différentes fonctions : la gastronomie, ou l’érotisme, etc. (mais embrasser sur la bouche est aussi un acte de complicité dans le désir, et le plaisir universel de destruction). L’art culinaire, ou la dégustation, etc., désignent dans les faits différents aspects de ce même processus de destruction de la matière par de la matière, et les mots sont ce qui aide à déguiser cette  brutale réalité. Un biftek, par exemple, ou une escalope, ou un chou-fleur sont autre chose que de la matière. Les mots cachent leur matérialité, et cette oscultation peut aussi prendre des formes complexes et plus poétiques, par exemple dans des formules comme « bœuf dans son jus aux pommes rissolées » ou « magret de canard braisé à l’Armagnac aux trois légumes. » Non pas que la chose soit un mal, et il y a aussi un plaisir dans la dénomination, qui fait lui aussi partie du processus de destruction. On mange miweux quelque chose qui ne s’appelle pas « Morceau de viande, » par exemple. Sous la dénomination, se cache cependant un phénomène simple dans son universalité, et qui a partout la même fonction, qui est de faire passer, par un trou, de la matière dans la matière, de sorte à permettre à la matière de perdurer, quelle que soit par ailleurs la forme ou le nom de ce trou : la gueule de certains animaux, la bec, ou la bouche d’autres. En chinois, l’idéogramme kou : 口, désigne la bouche,  une représentation réaliste et appropriée de la nature et de la fonction de cet organe, le trou par où tout disparaît ce qui y entre, phénomène universel, jusqu’aux trous noirs de l’espace capables d’avaler des galaxies entières. La bouche est l’espace secret par où la matière se nourrit d’elle-même. Le vagin aussi a la même fonction.

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Apathie

L’apathie, c’est où Sade et maître Eckhart aussi se rejoignent : c’est ce détachement, selon maître Eckhart, qui nous conduit au fond de nous-même et permet une union avec Dieu. «Ce détachement immuable conduit l’homme à la plus grande ressemblance avec Dieu, » écrit-il. « Dans la mesure où une créature peut avoir une ressemblance avec Dieu, ce sera par le détachement. » (Cyprian Smith. Un chemin de paradoxe : La vie spirituelle selon Maître Eckhart. Paris : Cerf, 1997, p. 129). C’est aussi ce qu’illustre le libertin sadien, tout détaché qu’il est des souffrances et de la mort de ses victimes et qui ne commet le crime que pour mieux jouir encore de ce détachement. « Tu dois savoir ici que le véritable détachement consiste seulement en ce que l’esprit demeure aussi insensible à toutes les vicissitudes de la joie et de la souffrance, de l’honneur, du préjudice et du mépris qu’une montagne de plomb est insensible à un vent léger », écrit maître Eckhart, mais on croirait entendre la Delbène, ou Noirceuil, Saint-Fond, ou Dolmancé. Comme le recommande Bressac à l’héroïne du roman : « Eteins ton âme, Justine, comme tu nous vois endurcir les nôtres ; tâche de te faire des plaisirs de tout ce qui alarme ton cœur : parvenue bientôt comme nous à la perfection du stoïcisme, ce sera dans cette apathie que tu sentiras naître une foule de nouveaux plaisirs bien autrement délicieux que ceux dont tu crois trouver la source dans ta funeste sensibilité. » (Vol. 2, 887).

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Univers

La nature naturée est en nous comme dans ce qui nous entoure, et y-compris ce que nous construisons, créons, ou bâtissons. Toutes ces choses n’existent qu’à condition de pouvoir être détruites. Si la vertu consistait au maintien dans leur qualité, dans tous les êtres, l’univers ne pourrait pas exister. L’existence est la configuration momentanée de certains paramètres de nature naturante qui changent à chaque instant. C’est ici à la fois le fleuve d’Héraclite qui n’existe qu’en tant que mouvement comme aussi l’être unique de Parménide. L’être en question sous forme perceptible combine les deux : une rivière est à la fois une entité physique précise, un être, comme aussi le flot des molécules qui la composent. Par ailleurs, ce changement ne s’accomplit que par la destruction. Nous ne savons toujours pas exactement ce qui a lieu au niveau moléculaire, et peut-être que nous ne le saurons jamais, mais il est possible de comprendre que ce que nous appelons  destruction est un moment essentiel de ce que nous appelons création. La nature naturée dans tous ses aspects n’est aussi qu’un moment du flot universel de la matière, comme le comprit bien celui qui fit remarquer à Héraclite, que loin de pouvoir entrer une seconde fois dans la même rivière, on n’y entrait jamais une première. La rivière est cette image du flot perpétuel de la matière que Parménide appelle l’être. L’univers entier est ainsi comme une rivière, et à la fois mouvement et repos. Il est mouvement, parce qu’il ne peut pas exister sans la destruction permanente, qui l’anime, et il est repos dans la somme totale de ces mouvements, où s’équilibrent nature naturante et nature naturée.

 

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Crime

« La meilleure illustration de la liberté selon Bergson est encore l’acte gratuit qui se retrouve en tout crime qui nie toute valeur ou prix à une autre vie. » (Alexis Philonenko. Leçons aristotéliciennes. Paris : Les belles lettres, 2002, 95.) Remarque intéressante, même si l’acte gratuit ne prouve rien, ou sinon son contraire. Pour Sade, en effet, il est toujours motivé par le déterminisme (puisque c’est toujours la nature qui nous en done le désir), et c’est-à-dire qu’il n’est jamais gratuit, au sens où on l’entend communément .

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Vice/vicieux

« Délivrés du frein des lois, ayant brisé ceux de la religion, méconnaissant ceux des remords, n’admettant ni Dieu ni diable, il n’est aucune atrocité qu’ils [les libertins de Sade]ne se permettent, et, dans cette cruelle apathie, leurs abominables passions se trouvent d’autant plus voluptueusement chatouillées que rien, disent-ils, ne les enflamme comme la solitude et le silence, comme la faiblesse d’une part, et le despotisme de l’autre. » (Vol. 2, 640).

Sade n’invite jamais à la méchanceté, mais il en donne comme ici une explication logique en ce qui concerne la conduite de l’homme.

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L’unique

” Ce qui a toujours été, est éternel ; ce qui est éternel est infini ; ce qui est infini est unique; car s’il contenait plusieurs Êtres, l’un terminerait l’autre, il ne serait donc pas infini. De plus, ce qui est unique, est partout semblable à soi-même ; car s’il renfermait quelque différence, il ne serait pas un Être, mais plusieurs Êtres.” (Xenophanes).

Ceci est également l’opinion de vue de Sade, pour qui la mort ne peut pas exister. “La destruction est impossible à l’homme.”

 

 

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Cogito

Si on admet que l’on est parce que l’on pense, alors, il faut aussi admettre la nécessité de toute pensée, quelle qu’elle soit, ou bien, être en contradiction avec le cogito. C’est où achoppe si souvent la philosophie quand elle érige le concept en théorie, mais n’admet pas en pratique  (dans ce cas), qu’une pensée en particulier est unique et irremplaçable. Elle doit aussi nécessairement l’être, ou bien alors le concept est caduque. Il l’est où une seule pensée sera exclue… et c’est où Sade tient en échec la philosophie conceptuelle.

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