Berkeley

Berkeley n’a pas entièrement tort, quand il situe toute réalité dans la seule perception, puisque tout ce que je sais, tout ce que je conçois, ou ressens,  je le sais, conçois, ou ressens par ce que je suis, et que donc, si je ne suis pas (comme dans le rêve, par exemple), les choses n’existent pas. Comment peut-on me prouver que les choses existent, quand elles cessent d’exister avec moi ? C’est donc moi qui les anime, moi qui leur donne vie, elles n’existent que par moi, puisque sans moi, elles n’existent pas. Il n’y a qu’un moment sensationnel, ou intellectuel (même chose), qui est celui du moi.

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Liberté

« Nous sommes condamnés à la liberté, » écrit Sartre, et à la préposition près, il a raison. Mais ce n’est pas à la liberté que nous sommes condamnés, c’est par la liberté. Parce que si la liberté n’existe pas, l’idée que nous nous en faisons, par contre, peut nous condamner. Personne mieux que Sade n’a su l’expliquer, et c’est peut-être aussi pourquoi Sartre rejette Sade et avec lui ce jeu de la préposition qui engage l’être et où tout je devient un jeu. Sartre suppose que la liberté existe, ce en quoi il reste bien un « matérialiste historique, » mais c’est-à-dire aussi, très peu matérialiste. Il suppose que ce mirage existe bel et bien que Sade sait n’être que dans l’imagination. Dépasser l’imagination, alors, c’est comprendre la liberté, et être libre. Les Anglo-saxons disent que la liberté n’est pas gratuite, mais il ne s’agit que d’un jeu de mots (Free = libre et gratuit). Il n’y a pas de liberté, mais de le supposer est aussi devoir payer le prix de sa gratuité, ce prix qui nous condamnera, puisque ce prix est impayable.

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Lois

Il y a loi, et loi. Mais qui a inventé la loi ? La plupart des hommes pensent que c’est Dieu. Mais qui est Dieu ? Si on entend par ce terme la Nature elle-même, sans doute. Et ce n’est pas aux hommes à dicter de lois à la Nature : dans tous les cas, la Nature dicte sa loi à l’homme, et cette loi n’a rien à voir avec celles des hommes, et les comprend toutes indifféremment.

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Crime

Je pensais, en lisant « l’arbre du crime » chez Roland Barthes (que je n’avais pas encore lu), retrouver l’arbre du crime de Sade, mais il n’en est rien.

De quoi s’agit-il ?

L’arbre du crime de Sade ressemble à ceci : « Je voudrais que tous les hommes eussent chez eux, au lieu de ces meubles de fantaisie qui ne produisent pas une seule idée, je voudrais, dis-je, qu’ils eussent une espèce d’arbre en relief, sur chaque branche duquel serait écrit le nom d’un vice, en observant de commencer par le plus mince travers, et arrivant ainsi par gradation jusqu’au crime né de l’oubli de ses premiers devoirs. Un tableau moral n’aurait-il pas son utilité ? Et ne vaudrait-il pas bien un Téniers, ou un Rubens ? » (Oeuvres,  éd. Pléiade, vol. I, 458).

Roland Barthes, par contre, nous parle des structures du récit, de l’ « énoncé simplement constatif » de crimes duquel « s’élance[rait] l’arbre du crime ».

La différence porte sur l’éthique. L’arbre du crime sadien dévoile le sens d’un projet, tel qu’il apparaît d’abord dans le crescendo graduel des passions des Cent-Vingt Journées de Sodome : faire le tableau du crime ne consiste pas ici seulement à raconter des crimes (comme le suppose Barthes, pour qui Sade « dit pour dire »), mais à éduquer, et à enseigner la morale.

 

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Abnégation

Comprendre Sade demande une totale abnégation, parce qu’il est le tout premier des philosophes de l’abnégation. On a pu dire que toute la philosophie était dans Platon, et tout Platon dans Parménide, mais tout Parménide est dans Sade. L’être fabuleux que nous sommes, Parménide ne l’explique pas, mais l’explication en est dans Sade et dans l’abnégation (au sens où Spinoza écrivait omnis determinatio est negatio).

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Passions

« Et pourquoi donc empêcher de souffrir l’objet dont la douleur augmente nos jouissances ? » réfléchit Saint-Florent, à l’occasion du viol de Justine. Il y a le particulier, et il y a le général. Lucrèce signale ce plaisir dans celui de voir depuis la terre ferme des gens lutter contre une tempête en mer, ou le spectacle de deux armées se battre depuis une hauteur (mais sans doute qu’il n’y aurait pas non plus de plaisir dans la guerre s’il n’y avait pas aussi celui de tuer). L’argument va au cœur de ce qu’on a coutume d’appeler le sadisme, le plaisir dans la douleur d’autrui. Ce qui ne signifie pas qu’on soit sadique. En effet, il suffit  d’aller quelques lignes de plus (sept, exactement), pour lire également ceci : « Ô homme ! te voilà donc, quand tu n’écoutes que tes passions ! » (Pléiade, II, 466), une remarque qui situe celle de Saint-Florent dans une nouvelle perspective, celle de la passion et de la nature humaine. Sade ne dit pas que c’est une bonne chose, si la douleur d’autrui augmente notre plaisir, mais que tel son effet dans la passion. C’est la passion qui explique la question de Saint-Florent, se rendant compte qu’elle va souffrir, alors que son désir de jouir d’elle est plus grand que cette considération. Le commentaire de Sade n’est plus dans son constat, mais dans le second fait par lui-même, la considération, et la peinture des passions qui est son véritable sujet. L’homme n’a pas le choix dans la passion d’écouter ou pas la voix de la raison, et qui pis est et d’autant comme nous le savons que les passions sont toutes nécessaires à la nature.

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Liberté

Le sentiment d’une liberté infinie et telle qu’elle n’existe pas dans la vie réelle plonge le lecteur de Sade dans une sorte d’extase. Une liberté infinie, c’est-à-dire sans fin, éternelle,  illimitée, parce que non limitée par notre condition, et d’ailleurs si fragile qu’elle s’évapore à peine le livre refermé… Mais on peut toujours le rouvrir pour revivre ce moment unique de liberté, ce grand plaisir de l’âme, et d’autant plus apaisant que le monde réel est sauvage.

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Sur Kant

Sur le libre-arbitre, et Kant, une correspondante écrit qu'”effectivement Dieu, l’immortalité de l’âme et le libre-arbitre sont réintroduits, mais la grandeur de Kant est d’avoir dit que les trois faisaient l’objet “d’une foi rationnelle” et ne pouvaient être prouvés”.

Kant a sans doute utilisé ici bien à propos sa devise du « sapere aude ». Il a osé, et c’est là la grandeur des Lumières, mais il est dommage qu’il n’ait pas aussi osé appliquer cette audace au libre-arbitre. Il n’a pas osé aller jusqu’au déterminisme, comme Sade, et sa philosophie se solde par un échec. En admettant le libre-arbitre, il met en doute les prémisses-même de sa philosophie.

Je fais référence à la 3ème section, 2ème division de la logique transcendantale : « Possibilité d’une conciliation entre la causalité par liberté et la loi universelle de la nécessité de la nature. » (p. 498 et suivantes, Cri. Raison pure, GF-Flammarion, 2001,) où il écrit que « la raison pure […] agit librement, sans être déterminée dans la chaîne des causes naturelles par des principes qui, externes ou internes, la précèderaient dans le temps ; et cette liberté qui est la sienne […] il faut aussi la désigner de façon positive, comme un _pouvoir de commencer par soi-même une série d’évènements (je souligne), de telle façon que […] comme condition inconditionnée de tout acte procédant de l’arbitre, elle n’admette au-delà d’elle aucune des conditions chronologiquement antérieures. » (p. 507). Il écrit encore que « La raison, dans sa causalité, n’est soumise à aucune des conditions du phénomène et du cours du temps. » (P. 509), et conclut que « puisque dans la liberté est possible une relation à une tout autre espèce de conditions que dans le cadre de la nécessité naturelle, la loi de cette dernière n’affecte pas la première, et que par conséquent les deux peuvent intervenir indépendamment l’une de l’autre et sans se perturber réciproquement. » (P. 509-10).

Ce développement est en contradiction avec toute la philosophie si brillamment exposée dans sa première crtique.

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Kant

Kant, c’est toujours le Christianisme. Allant d’abord dans une bonne direction, il flirte avec le déterminisme (1ère Critique), puis prend peur (2ème Critique) et se réfugie dans le libre-arbitre. Sade eu le courage d’aller au-delà de cette peur atavique d’un univers déterminé, « d’aller au grand, » comme il le dit, en montrant comment la liberté est au-delà du réflexe, et de l’illusion du libre-arbitre. Avec Spinoza (mais aussi Voltaire et la majorité des philosophes), Sade dans une même trajectoire d’un univers entièrement déterminé : « Les hommes se croient libres parce qu’ils ont conscience de leurs volitions et de leur appétit, et qu’ils ne pensent pas aux choses qui les disposent à désirer et à vouloir, parce qu’ils les ignorent, » écrit Spinoza. (Éthique). Avoir concience n’est pas la même chose que vouloir : “On ne peut pas vouloir vouloir, écrit Voltaire. Ou encore : “Les poiriers ne peuvent pas produire des ananas.” « Quand nous battons notre blé, le fléau est la cause finale de la séparation du grain. Mais si ce fléau, en battant mon grain, écrase mille insectes, ce n’est pas par ma volonté déterminée, ce n’est pas non plus par hasard : c’est que les insectes se sont trouvés cette fois, sous mon fléau, et qu’ils devaient s’y trouver. » (Dict. Phil. Article « Fin, causes finales »). Et il va également ainsi de nos pensées, et de nos actes : tous sont où ils doivent être au moment où ils doivent l’être.

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Prophète.

La principale différence entre l’interdit et l’impossible, c’est que celui à qui l’on interdira quelque chose sera toujours tenté de transgresser alors que celui qui sait que la chose n’est pas possible n’y songera même pas. Telle est aussi la différence entre le programme de la Bible (« Tu ne feras pas ceci ou cela ») et celui de Sade qui est de tout permettre, dans ce savoir qu’il est en fait impossible de transgresser. Le rapport aux lois se trouve ainsi inversé, parce qu’elles ne servent à rien dans un monde où le crime a cessé d’être un crime (la fiction), et du coup, tout devient possible… Sale coup aussi pour Moïse et autres prophètes !

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