Méchanceté

Sade sur la méchanceté : «  – Et qui doute, reprit le moine, que le meurtre ne soit une des lois la plus précieuse de la nature ? Quel est son but quand elle crée ? N’est-ce pas de voir bientôt détruire son ouvrage ? Si la destruction est une de ses lois, celui qui détruit lui obéit donc ! Et tu vois quelle masse de crimes s’élève de cet argument.
– Voilà, dit Honorine, qui justifie toutes vos méchancetés envers nous.
– Assurément, ma chère, répondit Sylvestre, parce que je regarde la méchanceté comme le ressort le plus certain de tous les crimes. C’est par méchanceté qu’on en invente, par elle qu’on en exécute : l’homme patient et bon est une négation de la nature ; il n’y a d’actif que le méchant ; et il n’y a de délicieux dans le monde que les fruits de la méchanceté : la vertu laisse l’âme en repos ; le crime seul l’agace, l’irrite, la sort de son assiette, et le fait jouir.
– Ainsi la trahison et la calomnie, les deux plus violents, les deux plus dangereux résultats de la méchanceté, deviendront des délices pour vous ?
– Je regarderai toujours comme tel tout ce qui acheminera la ruine, le déshonneur, l’avilissement ou la perte totale du prochain, puisque ces outrages sont les seuls qui me délectent véritablement, et que le mal que je fais ou que je vois arriver aux autres, est pour moi le chemin le plus sûr d’arriver au bien.
– Ainsi donc, de sang-froid, vous trahiriez l’ami le plus fidèle, vous calomnieriez le parent le plus cher ?
– Avec plus de plaisir que des individus qui ne me seraient liés par aucune chaîne, parce que le mal alors serait plus grand, et que plus il est capital, plus la sensation qui en résulte pour nous devient délicate et fine. Mais il y a de l’art, des principes, une sorte de théorie nécessaire dans la science de la trahison, ainsi que dans celle de la calomnie, dont il est nécessaire de ne point s’écarter, si l’on veut recueillir en paix leurs fruits délicieux : trahir ou calomnier un homme, par exemple, pour en servir un autre, ne doit rien apporter de plus à la félicité du méchant ; et, s’il fait un heureux en immolant une victime, il se trouve le soir absolument dans le même état que s’il n’eut point agi du tout, et n’a, d’après cela, nullement servi sa méchanceté. Il faut donc que ses coups, dirigés avec une arme tranchante des deux côtés, portent également sur plusieurs individus sans jamais en favoriser aucun : et voilà les écueils de ces deux sciences, en voilà les difficultés et les principes dont, en les pratiquant l’une et l’autre, je ne me suis écarté de la vie.
– Mais, dit Justine, comment avec de telles maximes ne vous dévorez-vous pas entre vous ?
– Parce que la solidité de notre association devient utile à sa conservation, et que, pour son maintien, nous préférons quelques sacrifices dont tous les moyens que nous avons ici de faire le mal savent nous dédommager amplement. Ne t’imagine pas que nous nous chérissions beaucoup pour cela ; nous nous voyons tous les jours de trop près pour nous aimer : mais nous sommes obligés d’être ensemble ; et nous nous y maintenons par politique, à peu près comme les voleurs dont la sûreté de l’association n’a d’autres bases que le vice et la nécessité de l’exercer.
– Eh bien ! mon père, dit Justine, j’oserais répondre qu’au milieu de cette insigne dépravation, il vous serait impossible de ne pas encore respecter la vertu.
– Je te proteste, mon enfant, dit le moine, que je la tins toute ma vie dans le mépris le plus profond ; que de mes jours je n’en exerçai le plus petit acte ; et que mes plus souveraines jouissances ne consistèrent jamais que dans la multiplicité des outrages que je lui portais. Mais je bande, il faut que je finisse de foutre ; rapporte à mes yeux ce dos qui m’échauffait si puissamment tout à l’heure.
Et le paillard, renconnant Justine en levrette, se remit à baiser la marque qui semblait lui faire autant de plaisir. De temps en temps, il sentait et respirait les aisselles ; ce qui paraissait être un des plus délicieux épisodes de ces sales lubricités : quelquefois Honorine et sa compagne lui exposaient leurs cons bien ouvert et le paillard, toujours enconnant Justine, y fourrait son nez et sa langue, jusqu’à ce qu’il eût obtenu, de l’un ou de l’autre, un peu de sperme ou de pissat ; mais rien n’avançait.
– Ce n’est pas tout cela qu’il me faut, dit Sylvestre ; je comptais sur un vagin plein d’ordinaires, et je n’en ai pas. Honorine, vole m’en chercher un sur-le-champ au sérail.
Et, pendant que l’ordre s’exécute, le moine, déconnant Justine, se met à la gamahucher.
– Pisse-moi donc dans la bouche petite putain, s’écrie-t-il ; ne vois-tu donc pas bien que c’est ce que je te demande depuis une heure ?
Justine obéit. On branlait fortement le moine ; et peut-être allait-il décharger, lorsque Honorine rentra avec une femme de trente ans, dont la chemise ensanglantée annonçait à Sylvestre qu’elle était dans l’état désiré. Hipolyte, c’était le nom de la sultane, est bientôt inventoriée ; ce ne sont pas des règles, c’est une perte.
– Oh ! foutre, dit le moine en feu, voilà bien ce qu’il me faut ; je vais te foutre, putain, mais tu chieras… de la merde et des règles ! Oh ! doubledieu, quelle affreuse décharge je vais faire !
Sylvestre enconne ; bientôt son vit ressemble au bras d’un boucher. Satisfait, d’une part, il l’est bientôt de l’autre ; on lui remplit les mains de merde, il s’en barbouille le visage ; et, déconnant Hipolyte, il oblige Justine à sucer son vit plein de sang ; il faut obéir : de la bouche de cette belle enfant il se replongea bientôt dans sa matrice. Exposant alors sous ses yeux le con enluminé d’Hipolyte, il le suce avec ardeur en foutant ; pendant qu’Honorine place ses fesses à côté du vagin qui le délecte, et que son autre fille de garde le fouette à tour de bras. La crise le saisit ; il hurle comme un diable en la goûtant ; et le vilain, ivre de luxure et d’infamie, s’endort enfin avec tranquillité. »

“La Nouvelle Justine”. Oeuvres, Vol. II.

La méchanceté fait aussi partie des lois de la nature, elle participe à, et de son mouvement, elle est une force comme une autre de sa dynamique. On ne peut pas la condamner sans  condamner aussi l’ordre de la nature. Si donc Sade a été « méchant », comme on nous le dit, en quoi aura-t-il dérogé à cet ordre, ou à la philosophie qui est la sienne exposée ici par le moine  Sylvestre ?

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