Déterminisme : Sade, mieux que Voltaire.

La raison pour laquelle Sade est devenu l’icône la mieux représentative des Lumières, à mon avis, est à cause de son déterminisme intégral. Voltaire, dont les sorties contre les matérialistes sont bien connues, n’est en fait qu’un « demi-déterministe, » au sens où il conçoit bien le déterminisme dans le domaine physique (comme par exemple dans cette analogie : « Un paysan croit qu’il a grêlé par hasard sur son champ, mais le philosophe sait qu’il n’y a point de hasard, et qu’il était impossible, dans la constitution de ce monde, qu’il ne grêlât pas ce jour-là en cet endroit), »[1] mais pas du tout dans le domaine moral où  l’idée de choix persiste, chez lui. Voltaire n’a pas compris que nos affects sont aussi comme la grêle du paysan : nous ne les choisissons pas, ils nous viennent (pour le pire comme pour le meilleur). Helvétius est un des rares à part Sade à avoir conçu le déterminisme moral (par exemple, dans cette déclaration : « Les passions sont, dans le moral, ce que, dans le physique, est le mouvement ; il crée, anéantit, conserve, anime tout, et sans lui tout est mort : ce sont elles aussi qui vivifient le monde moral,) »[2] mais de là à en faire le pivot de sa philosophie, comme Sade, il y a loin, et je ne doute pas que sa lecture l’aurait peut-être horrifié autant que Voltaire ! (et sans doute que La Mettrie non plus ne l’aurait pas bien goûtée, puisqu’il reste encore attaché à l’idée de libre-arbitre). [3]

[1] Voltaire. Dictionnaire philosophique, article « Destin ».

[2] Helvétius. De l’esprit. Paris : Fayard, 1988, p. 268.

[3] Pour La Mettrie, « la nature n’ordonne pas la perversion, mais une jouissance mesurée par la « Loi naturelle». »[3] Paul-Laurent Assoun. La Mettrie, L’homme machine. Paris : Denoël/Gonthier, 1981, p. 162.

 

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