Ce que nous appelons « manger » consiste à introduire dans une aperture du corps différents objets pour les y détruite. Ainsi donc, c’est de la matière (l’homme, le serpent, ou l’escargot, etc..), qui avale et détruit ainsi de la matière. La matière détruit de la matière sous mille formes dans la nature. La bouche en est une, chez l’homme. La culture ennoblit la bouche, comme tout ce qui touche à ses différentes fonctions : la gastronomie, ou l’érotisme, etc. (mais embrasser sur la bouche est aussi un acte de complicité dans le désir, et le plaisir universel de destruction). L’art culinaire, ou la dégustation, etc., désignent dans les faits différents aspects de ce même processus de destruction de la matière par de la matière, et les mots sont ce qui aide à déguiser cette brutale réalité. Un biftek, par exemple, ou une escalope, ou un chou-fleur sont autre chose que de la matière. Les mots cachent leur matérialité, et cette oscultation peut aussi prendre des formes complexes et plus poétiques, par exemple dans des formules comme « bœuf dans son jus aux pommes rissolées » ou « magret de canard braisé à l’Armagnac aux trois légumes. » Non pas que la chose soit un mal, et il y a aussi un plaisir dans la dénomination, qui fait lui aussi partie du processus de destruction. On mange miweux quelque chose qui ne s’appelle pas « Morceau de viande, » par exemple. Sous la dénomination, se cache cependant un phénomène simple dans son universalité, et qui a partout la même fonction, qui est de faire passer, par un trou, de la matière dans la matière, de sorte à permettre à la matière de perdurer, quelle que soit par ailleurs la forme ou le nom de ce trou : la gueule de certains animaux, la bec, ou la bouche d’autres. En chinois, l’idéogramme kou : 口, désigne la bouche, une représentation réaliste et appropriée de la nature et de la fonction de cet organe, le trou par où tout disparaît ce qui y entre, phénomène universel, jusqu’aux trous noirs de l’espace capables d’avaler des galaxies entières. La bouche est l’espace secret par où la matière se nourrit d’elle-même. Le vagin aussi a la même fonction.
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