Apathie

L’apathie, c’est où Sade et maître Eckhart aussi se rejoignent : c’est ce détachement, selon maître Eckhart, qui nous conduit au fond de nous-même et permet une union avec Dieu. «Ce détachement immuable conduit l’homme à la plus grande ressemblance avec Dieu, » écrit-il. « Dans la mesure où une créature peut avoir une ressemblance avec Dieu, ce sera par le détachement. » (Cyprian Smith. Un chemin de paradoxe : La vie spirituelle selon Maître Eckhart. Paris : Cerf, 1997, p. 129). C’est aussi ce qu’illustre le libertin sadien, tout détaché qu’il est des souffrances et de la mort de ses victimes et qui ne commet le crime que pour mieux jouir encore de ce détachement. « Tu dois savoir ici que le véritable détachement consiste seulement en ce que l’esprit demeure aussi insensible à toutes les vicissitudes de la joie et de la souffrance, de l’honneur, du préjudice et du mépris qu’une montagne de plomb est insensible à un vent léger », écrit maître Eckhart, mais on croirait entendre la Delbène, ou Noirceuil, Saint-Fond, ou Dolmancé. Comme le recommande Bressac à l’héroïne du roman : « Eteins ton âme, Justine, comme tu nous vois endurcir les nôtres ; tâche de te faire des plaisirs de tout ce qui alarme ton cœur : parvenue bientôt comme nous à la perfection du stoïcisme, ce sera dans cette apathie que tu sentiras naître une foule de nouveaux plaisirs bien autrement délicieux que ceux dont tu crois trouver la source dans ta funeste sensibilité. » (Vol. 2, 887).

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