Égalité

“Tout homme naît avec un penchant assez violent pour la domination, la richesse et les plaisirs, et avec beaucoup de goût pour la paresse : par conséquent tout homme voudrait avoir l’argent, et les femmes ou les filles des autres, être leur maître, les assujettir à tous ses caprices, et ne rien faire, ou du moins ne faire que des choses très agréables. Vous voyez bien qu’avec ces belles dispositions il est aussi impossible que les hommes soient égaux qu’il est impossible que deux prédicateurs ou deux professeurs de théologie ne soient pas jaloux l’un l’autre.”

On croirait entendre parler un héros sadien, mais c’est Voltaire qui écrit ceci. (Article “Égalité”. Dictionnaire philosophique. Ni Sade, ni Voltaire (ou Rousseau) ne croient l’égalité possible. “Il est impossible, dans notre malheureux globe, que les hommes vivant en société ne soient pas divisés en deux classes, l’une de riches qui commandent, l’autre de pauvres qui servent ; et ces deux se subdivisent en mille, et ces mille ont encore des nuances différentes.” (Ibid.). Cette fameuse égalité inscrite sur le fronton de nos institutions, Sade la ridiculise. Les hommes sont sans doute égaux devant la loi (ou devraient l’être), mais c’est aussi parce qu’ils le sont devant la passion, qui souvent contredit la loi. “Chaque homme, dans le fond de son coeur, a droit de se croire entièrement égal aux autres hommes,” écrit aussi Voltaire (Ibid.), et c’est bien là un problème, puisque l’argument contredit en même temps des penchants violents à la domination et aux désirs de richesse et de plaisirs.

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