Certaines choses sont vraies même si elles ne sont pas évidentes. Le fait qu’une chose que nous voyons dans un paysage ou un être vivant sont un assemblage ; assemblage d’atomes et de particules subatomiques en mouvement, rassemblés au moment de la création, et qui se déferont au moment de la disparition de l’objet, être ou chose. Tout n’étant que matière et mouvement, dans l’univers, tout ne consiste ainsi que dans un certain type d’organisation d’atomes et de particules qui retournent au creuset de la nature à la destruction de l’objet pour reparaître ensuite ailleurs sous différentes formes : « Rien ne périt, rien ne se détruit dans le monde ; aujourd’hui homme, demain ver, après-demain mouche, n’est-ce pas toujours exister ?», comme le mentionne le moribond de Sade. [1] Ce que nous considérons être une création et ce que nous supposons être une destruction, sont donc en fait dans ce cycle une même chose sous deux formes différentes, l’une organisée dans l’entité créée, et l’autre désorganisée, si bien que chaque nouvelle création est de la sorte une forme de destruction par rapport à la première, en retenant en elle un certain arrangement d’atomes et de particules, alors que toute destruction est aussi et à l’inverse une nouvelle création, en contribuant à la naissance de nouvelles formes, êtres, ou choses. Il n’est pas interdit de voir ici une sorte de miracle, si l’on veut, au sens où nous ne connaissons pas les règles de fonctionnement du cycle. Les êtres qui nous entourent et tels que nous voyons sont tous le résultat direct d’une destruction, et d’une dissémination d’atomes et de particules, dont nous ne saurons jamais la cause, et c’est aussi pourquoi pour Sade tous les êtres ont une égale valence, et que « La vie de l’homme le plus vertueux du monde n’est point à la nature d’une importance plus grande que celle d’une huître, » comme il l’écrit. Cette matière organisée que nous sommes, elle aussi en mouvement, participe du même mouvement universel que n’importe quelle autre forme de matière, si toutefois en suspens, au même flux héraclitéen, dans lequel on n’a même pas la possibilité de s’immerger une seule fois, puisqu’il est constant. C’est en ce sens que Spinoza nous fait comprendre que « toute détermination est négation,»[2] puisque toute détermination, ou création, est négation des éléments qui la composent, comme ces éléments sont aussi la négation de l’être créé.
Si nous pouvions voir un arbre différemment que ce que nous le voyons (en supposant, par exemple, que nous soyons équipés d’un appareil oculaire qui le permettrait,) nous pourrions voir le compact d’atomes et particules en mouvement qui le composent, mais que notre système visuel nous fait voir autrement. Par contre, nous ne verrions pas le moment où ces atomes se combinent, ni comment ils s’organisent pour devenir arbre, ceci restant en dehors de notre pouvoir, et se situant au-delà de l’objet, dans le mystère des causes premières du cycle de la matière ; nous ne pouvons pas voir le moment où les atomes libérés par la « désorganisation »[3] d’un être quelconque se recombinent ailleurs sous une autre forme, mais dans les deux cas, matière et mouvement constituent une forme d’énergie, comme l’a découvert Einstein (E = mc2). Chaque entité, chaque être est une forme d’énergie, dans les trois domaines, minéral, végétal et animal, dotée chacune d’un certain temps donné de longévité, également vouée à la « désorganisation,» aussi bien sous d’autres formes ; minérales pour les minéraux (ou soit pour servir de nourriture à des végétaux ou des animaux, sous forme altérée), et il en va de même pour les animaux. Toutes les formes périclitent ainsi et/ou meurent et contribuent ainsi au cycle de la matière.
Sade place donc toutes les formes sur un même plan. La Nature, si elle pouvait parler (ce qu’il imagine), pourrait ainsi nous dire : « Que tu détruises ou que tu crées, tout est à peu près égal à mes yeux, je me sers de l’un et de l’autre de tes procédés, rien ne se perd dans mon sein : la feuille qui tombe de l’arbuste, me sert autant que les cèdres qui couvrent le Liban ; et le ver, qui naît de la pourriture, n’est pas d’un prix moindre, ni plus considérable à mes yeux, que le plus puissant monarque de la terre. » [4]
Toute forme existe en donnant ici ce qu’elle prend ailleurs, et c’est également pourquoi « Le pouvoir de détruire n’est pas accordé à l’homme, il a tout au plus celui de varier des formes, mais il n’a pas celui de les anéantir ; or toute forme est égale aux yeux de la nature, rien ne se perd dans le creuset immense où ses variations s’exécutent, toutes les portions de matière qui s’y jettent se renouvellent incessamment sous d’autres figures et quelles que soient nos actions sur cela, aucune ne l’offense directement, aucune ne saurait l’outrager, nos destructions raniment son pouvoir, elles entretiennent son énergie mais aucune ne l’atténue. »[5]
À l’intérieur du cycle des formes créées prévalent certaines lois, spécifiques aux espèces, mais ces lois ne sont pas significatives pour la Nature, puisqu’elle peut se servir du matériau fourni par la destruction de n’importe quelle espèce pour en créer de nouvelles. Ainsi donc, chacune espèce a ses propres lois (conscientes ou pas), comme c’est le cas pour les animaux, et toutes ont pour but de permettre à l’espèce de perdurer. Une histoire de l’univers, si elle devait jamais être écrite faite, serait ainsi celle de la résistance des espèces à la loi naturelle, qui est celle de leur destruction en tant que formes organisées, et la seule loi de la nature que nous connaissions, est celle de la destruction qui lui permet de nouvelles créations. Nos lois, et comme celles de toutes les espèces, sont donc ainsi le contraire de celles de la nature. et c’est pourquoi le meurtre ou la violence, qui sont des crimes pour nous, sont au contraire la loi de la Nature : « Si l’une des premières lois de la nature n’était pas la destruction de tous les êtres, assurément je pourrais croire qu’on outrage cette nature inintelligible, en procédant à la destruction. Mais dès qu’il n’existe pas un seul procédé de la nature qui ne nous prouve que la destruction lui est nécessaire, et qu’elle ne parvient à créer qu’à force de détruire, assurément tout être qui se livrera à la destruction, n’aura fait qu’imiter la nature. Je dis plus, celui qui s’y refuserait, l’offenserait grièvement ; et si, comme on n’en peut douter, nous ne lui fournissons des moyens de créer qu’en détruisant, assurément plus nous détruirons, et mieux nous servirons ses vues ; si le meurtre est la base des lois régénératrices de la nature, bien certainement l’homme qui servira le mieux la nature, sera le meurtrier ; et de ce moment plus il multipliera ses meurtres, et mieux il accomplira les lois d’une nature dont les seuls besoins sont des meurtres. » [6]
Nos lois, nos institutions, nos religions, ou nos cultures sont orientés sur la préservation de l’espèce, alors que la loi de la nature, que les philosophes des Lumières confondent avec les nôtres, est axée sur la transformation et le changement, parce que nous ne sommes, pour elle qu’une forme indifférente, et comme le fut celle des dinosaures, ou des autres espèces disparues : « La nature permet la propagation ; mais il faut bien se garder de prendre sa tolérance pour un ordre. Elle n’a pas le plus petit besoin de la propagation ; et la destruction totale de la race, qui deviendrait le plus grand malheur du refus de la propagation, l’affligerait si peu qu’elle n’en interromprait pas plus son cours que si l’espèce entière des lapins ou des lièvres venait à manquer sur notre globe. »[7]
Les lois des espèces doivent donc être expliquées de manière hétérogène à celle de la nature, et en dehors de toute morale, en ce qui nous concerne, dans le seul contraste et par opposition de mouvements. Où il s’agit d’un mouvement centrifuge, du côté de l’espèce, tendant à conserver et à faire perdurer, il s’agit d’un mouvement centripète du côté de la nature, qui tend au contraire à la dispersion. Nos lois visent à la préservation de l’espèce, et sont en même en même temps une forme de résistance à la loi naturelle, qui elle a besoin de destruction. On peut illustrer par l’imagine d’un nageur, dont les mouvements lui permettent de résister au courant qui l’entraîne.
Un tel niveau de conceptualisation et d’abstraction est très élevé (Sade écrit qu’ « Il faut beaucoup de philosophie pour me comprendre, ») et ne fut jamais atteint ou égalé par aucun autre penseur des Lumières. Dans un siècle particulièrement fertile en systèmes, tous les différents systèmes de la nature restent ainsi partiels et incomplets. Peut-être que la principale raison en serait que les philosophes, qui avaient très bien compris l’importance du concept de nature pour tout programme de réforme, et aussi le fait qu’ils l’ont efficacement utilisé dans leur critique du status quo, préférèrent limiter leur concept de Nature au domaine moral et politique.[8] Ils ont bien compris que la nature était plus grande que l’espèce, mais ils n’ont pas su, ou voulu, en tirer les conséquences logiques qui s’imposaient comme a su le faire Sade.
En fait, et ce fut quasi-universellement leur erreur, il faut éviter de confondre Nature et Nature de l’Espèce. Diderot par exemple (mais on pourrait en donner mille exemples), écrit que « La loi naturelle est l’ordre éternel et immuable qui doit servir de règle à nos actions. Elle est fondée sur la différence essentielle qui se trouve entre le bien et le mal. (sic). Ce qui favorise l’opinion de ceux qui refusent de reconnaître cette distinction, c’est d’un côté la difficulté que l’on rencontre quelquefois à marquer les bornes précises qui séparent la vertu et le vice : de l’autre, la diversité d’opinions qu’on trouve parmi les savants mêmes qui disputent entre eux pour savoir si certaines choses sont justes ou injustes, surtout en matière de politique, et enfin les lois diamétralement opposées les unes aux autres qu’on a faites sur toutes ces choses en divers siècles et en divers pays ; mais comme on voit dans la peinture, qu’en détrempant ensemble doucement et par degrés deux couleurs opposées, il arrive que de ces deux couleurs extrêmes, il en résulte une couleur mitoyenne, et qu’elles se mêlent si bien ensemble, que l’œil le plus fin ne l’est pas assez pour marquer exactement où l’une finit et l’autre commence, quoique pourtant les couleurs soient aussi différentes l’une de l’autre qu’il se puisse : ainsi quoiqu’en certains cas douteux et délicats, il puisse se faire que les confins ou se fait la séparation de la vertu et du vice, soient très-difficiles à marquer précisément, de sorte que les hommes se sont trouvés partagés là-dessus, et que les lois des nations n’ont pas été partout les mêmes, cela n’empêche pas qu’il n’y ait réellement et essentiellement une très grande différence entre le juste et l’injuste. La distinction éternelle du bien et du mal, la règle inviolable de la justice se concilie sans peine l’approbation de tout homme qui réfléchit et qui raisonne ; car il n’y a point d’homme à qui il arrive de transgresser volontairement cette règle dans des occasions importantes, qui ne sente qu’il agit contre ses propres principes, et contre les lumières de sa raison, et qui ne se fasse là-dessus de secrets reproches. Au contraire, il n’y a point d’homme qui, après avoir agi conformément à cette règle, ne se sache gré à lui-même, et ne s’applaudisse d’avoir eu la force de résister à ces tentations, et de n’avoir fait que ce que sa conscience lui dicte être bon et juste. »[9]
Ce que est ici défini c’est la loi de l’espèce, mais pas celle de la Nature, pour laquelle il est indifférent que nous existions ou pas : «Nous nous imaginons que la perte d’un être aussi parfait que nous dégraderait toute la nature, et nous ne concevons pas qu’un homme de plus ou de moins dans le monde, que tous les hommes ensemble, que cent millions de terre comme la nôtre, ne sont que des atomes subtils et déliés, indifférents à la nature. »[10]
Nos concepts de bien et de mal, ou de vice et de vertu, etc., étant seulement relatifs à l’espèce, à notre nature, n’ont rien à voir avec la nature. En fait, et ironiquement, si ce n’était pas dramatique, plus nous croyons nous diriger vers le bien et plus nous nous dirigeons au contraire vers le mal. Il suffit de constater comment l’explosion démographique d’une espèce qui n’a pas de prédateur naturel (ce qui serait pour elle un « mal » mais toujours un « bien » pour la nature), est en train de nous petit à petit à notre propre destruction.
(Michelet, héritier et continuateur des Lumières, écrivait encore que le mal « exige, pour être compris, un détail minutieux, » alors que le bien, le ‘naturel’ « va coulant de lui-même, nous est presque connu d’avance par sa conformité aux lois de notre nature, par l’image éternelle du bien que nous portons en nous. »[11] (sic). Il reprend leur même erreur, qui fut de confondre, et de mettre dans un même sac nature et espèce. Mais le fait est qu’il ne s’agit pas seulement d’un détail historique, et nous partageons toujours encore la même erreur.)
Le « système sadien », sa philosophie de la nature, permet de rendre compte aussi bien à la fois des lois physiques propres à l’univers, que de celles, morales, propres à l’espèce. En effet, et tous nos affects nous étant inspirés par la nature (et sinon, par quoi d’autre ?), on ne peut pas non plus supposer qu’il y ait une seule de ces inspirations qui puisse être mauvaise ; elle ne peut l’être que par rapport à la loi : « Si la nature avait voulu nous empêcher de faire des crimes, s’il était vrai que les crimes l’irritassent (ce qui est l’opinion de la philosophie des Lumières), elle aurait bien su nous empêcher les moyens de les commettre ; quand elle les laisse à notre disposition, c’est qu’ils ne l’outragent point, c’est qu’ils lui sont indifférents ou nécessaires. »[12] Le philosophe explique « Rien ne nous est défendu par la nature ; les lois seules se sont crues autorisées d’imposer certaines bornes au peuple, relatives à la température de l’air, à la richesse ou à la pauvreté du climat, à l’espèce d’hommes qu’elles maîtrisent. Mais ces freins purement populaires n’ont rien de sacré, rien de légitime aux yeux de la philosophie, dont le flambeau dissipe toutes les erreurs, ne laisse exister dans l’homme sage que les seules inspirations de la nature. Or, rien n’est plus immoral que la nature ; jamais elle ne nous imposa de freins, elle ne nous dicta jamais de lois. »[13] Mais les lois restent cependant nécessaires, et ne sont pas inutiles, puisqu’elles président à la cohésion de l’espèce, comme clarifié dans La Philosophie dans le boudoir : « Faisons peu de lois, mais qu’elles soient bonnes ; il ne s’agit pas de multiplier les freins, il n’est question que de donner à celui qu’on emploie une qualité indestructible ; que les lois que nous promulguons n’aient pour but que la tranquillité du citoyen, son bonheur, et l’éclat de la République. »[14]
Ainsi donc, Nature et espèce, ou culture, ne se doivent rien : « Les rapports de l’homme à la nature, ou de la nature à l’homme, sont nuls ; la nature ne peut enchaîner l’homme par aucune loi ; l’homme ne dépend en rien de la nature ; ils ne doivent rien l’un à l’autre et ne peuvent ni s’offenser, ni se servir ; l’un a produit malgré soi : de ce moment, aucun rapport réel ; l’autre est produit malgré lui, et, conséquemment, nul rapport. Une fois lancé, l’homme ne tient plus à la nature ; une fois que la nature a lancé, elle ne peut plus rien sur l’homme ; toutes ses lois sont particulières. Par le premier élancement, l’homme reçoit des lois directes dont il ne peut plus s’écarter ; ces lois sont celles de sa conservation personnelle… de sa multiplication, lois qui tiennent à lui… qui dépendent de lui, mais qui ne sont nullement nécessaires à la nature ; car il ne tient plus à la nature, il en est séparé. Il en est entièrement distinct, tellement, qu’il n’est point utile à sa marche… point nécessaire à ses combinaisons, qu’il pourrait ou quadrupler son espèce, ou l’anéantir totalement, sans que l’univers en éprouvât la plus légère altération. S’il se détruit, il a tort, toujours d’après lui. Mais aux yeux de la nature, tout cela change. S’il se multiplie, il a tort, car il enlève à la nature l’honneur d’un phénomène nouveau, le résultat de ses lois étant nécessairement des créatures. Si celles qui sont lancées ne se propageaient point, elle lancerait de nouveaux êtres, et jouirait d’une faculté qu’elle n’a plus. »[15]
La Nature n’est donc certainement pas cette force bienveillante, et avatar de la divinité, qu’imaginaient les philosophes, bonne Mère veillant au bonheur de sa progéniture (à condition qu’elle lui obéisse), alors que, que nous existions ou pas est pour elle la même chose.[16] Nous sommes donc libres de faire tout ce que nous voulons, par rapport à elle, si non pas par rapport à la loi (aussi bien morale que physique), mais sana oublier que dans les deux cas, l’excès conduit à la punition (privation de liberté pour qui viole la loi morale, destruction de sa santé pour qui ne tient pas compte de physique). De la sorte, l’homme naviguer entre deux eaux, et c’est pour l’aider à s’y retrouver que Sade prend la plume : « Le chef-d’œuvre de la philosophie serait de développer les moyens dont la fortune se sert pour parvenir aux fins qu’elle se propose sur l’homme et de tracer d’après cela quelques plans de conduite qui puissent faire connaître à ce malheureux individu bipède la manière dont il faut qu’il marche dans la carrière épineuse de la vie, afin de prévenir les caprices bizarres de cette fortune qu’on a nommée tour à tour Destin, Dieu, Providence, Fatalité, Hasard, toutes dénominations aussi vicieuses, aussi dénuées de bon sens les unes que les autres, et qui n’apportent à l’esprit que des idées vagues et purement subjectives. »[17]
« L’individu malheureux bipède » que nous sommes est déterminé par les lois qui régissent l’espèce, mais s’il y a ici continuité physique, ce que nous appelons morale n’est en fait jamais que le jeu des poids dans la balance des affects. Sade pense comme Pascal que « Nous ne nous soutenons pas dans la vertu par notre propre force, mais par le contrepoids de deux vices opposés, comme nous demeurons debout entre deux vents contraires : ôtez un de ces vices, nous tombons dans l’autre. »[18] Pour lui aussi, « L’équilibre, en morale comme en physique, et la première des lois de la nature. »[19] Chacun est déterminé différemment, suivant lieu de naissance et histoire personnelle, et sans doute responsable devant la justice de son pays, mais jamais coupable non plus pour la nature. La morale pour elle n’existe pas : « Il est égal au maintien des lois de la nature que Paul suive le mal, pendant que Pierre se livre au bien. Ce qu’il faut à cette nature compensatrice, c’est une somme égale de l’un et de l’autre ; et l’exercice du crime, plutôt que celui de la vertu, est la chose du monde qui lui est la plus indifférente. »[20]
L’éthique qu’enseigne Sade est celle de l’athéisme, déterministe et matérialiste, qui est le sien, et qui explique toujours le mal en termes de causes physiques : « Quand l’anatomie sera perfectionnée, on démontrera facilement, par elle, le rapport de l’organisation de l’homme aux goûts qui l’auront affecté. Pédants, bourreaux, guichetiers, législateurs, racaille tonsurée, que ferez-vous quand nous en serons là ? Que deviendront vos lois, votre morale, votre religion, vos potences, vos paradis, vos Dieux, votre enfer, quand il sera démontré que tel ou tel cours de liqueurs, telle sorte de fibres, tel degré d’âcreté dans le sang ou dans les esprits animaux suffisent à faire d’un homme l’objet de vos peines ou de vos récompenses ? »[21]
Norbert Sclippa
College of Charleston, S.C.
Bibliographie
Buffon. Histoire naturelle. Paris : Gallimard, 1984.
Delon, Michel. Le savoir-vivre libertin. Paris : Hachette, 2015.
Diderot, Denis. Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers.
Le Brun, Annie. Les châ Paris : Folio, 1986.
Michelet. Histoire de la Révolution française, vol. I. Paris : Gallimard La Pléiade, 1952.
Pascal. Pensées. Paris : Livre de Poche, 1962.
Roger, Philippe. Sade, la philosophie dans le pressoir. Paris : Grasset, 1976.
Sade, Donation, Aldonse, François, Marquis de. Œuvres. Paris : Gallimard La Pléiade. Vol. I, 1990, Vol. II, 1995 , Vol. III, 1998.
________________________________. Œuvres complètes. Paris : Cercle du Livre Précieux, 1966.
_________________________________. Cahiers personnels. Paris : Corréa, 1953.
Sclippa, Norbert. Lire Sade. Paris : L’Harmattan, 2004.
____________. Sade : Pensées. Paris : L’Harmattan, 2023.
Spinoza, Baruch. L’Éthique. Paris : Gallimard, 1954.
Voltaire. Dictionnaire philosophique. Paris : GF-Flammarion, 1964.
Notes :
[1] Vol. I, p. 10.
[2] « Omnis determinatio est negatio. »
[3] C’est le terme qu’utilise généralement Sade.
[4] C’est la nature qui parle. Vol. III, p. 884-5.
[5] Ibid. Vol. II, p. 35.
[6] Ibid., Vol. III 450-1.
[7] Ibid., p. 240.
[8] « La Révolution formula en lois la philosophie du XVIIIe siècle, » écrit Michelet, et ces lois nous gouvernent encore, d’une manière ou d’une autre. C’est-à-dire que nos institutions, et d’une manière générale aussi notre sensibilité et nos mœurs, sont basés sur une compréhension de la nature erronée.
[9] Denis Diderot, article « Loi naturelle ». Encyclopédie.
[10] Sade, Vol. III, p. 878.
[11] Michelet, p. 395-6.
[12] Sade, Vol. III, p. 333.
[13] Ibid., p. 224-5.
[14] Ibid., p. 152-3.
[15] Ibid., p. 871.
[16] « Elle se fiche bien de nous, la nature, » écrivait Flaubert.
[17] Sade, Vol. II, p. 395.
[18] Pascal, Pensée 325, p. 150.
[19] Sade, Vol. III, p. 283.
[20] Ibid., Vol. II, p. 1041.
[21] Ibid., p. 676.